Sur les pas d'Arthur Rimbaud
VOYELLES
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -
A. Rimbaud
Alors que, après la mort de Rimbaud, beaucoup de gens cherchent un sens à ce poème, Verlaine répondra : "Moi qui ai connu Rimbaud, je sais qu'il se foutait pas mal si A était rouge ou vert. Il le voyait comme ça, mais c'est tout."
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LE MUSÉE RIMBAUD
Arthur Rimbaud est né à Charleville en 1854. Il va au collège qui se trouvait place de l'agriculture, à quelques pas de la maison familiale. Là bas, il fait ses premiers pas de poète, en remportant notamment le concours académique de composition latine (écrire des vers en latin au collège, il était quand même doué !). Le principal du collège aurait dit à son sujet "Rien d'ordinaire ne germe dans cette tête, ce sera le génie du mal ou celui du Bien". C'est là qu'il se liera d'amitié avec Monsieur Izambard, professeur de rhétorique. Par la suite, Rimbaud rencontrera Verlaine au "café de l'univers", en face de la gare de Charleville, puis entreprendra plusieurs voyages (fugues). Il reviendra régulièrement dans les Ardennes, où il trouve l'inspiration pour bon nombre de ses poèmes.
Aujourd'hui, juste en face de la maison familiale, l'ancien moulin ducal héberge le musée Rimbaud. On y trouve bon nombre de documents qui illustrent la vie de l'auteur au cours de ses différents voyages. Les étages sont consacrés à des expositions. Le premier contient une partie de l'expo Rimbaumania, le second des hommages d'autres auteurs à l'homme aux semelles de vent.
à voir en 3D sous google earth ici
Pour finir, Rimbaud n'aura écrit que pendant 5 ans, avant d'arrêter, dégouté par le monde qui l'entoure. C'est ce destin qui fait sa renommée internationale.
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RÊVE POUR L'HIVER
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras: "Cherche!" en inclinant la tête,
Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
Qui voyage beaucoup...
Arthur Rimbaud
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LA MAISON DES AILLEURS
En face du musée, la maison familiale de Rimbaud accueille la "maison des ailleurs". Invitation au voyage au travers de sons et de lumières, elle permet de revivre les voyages de Rimbaud.
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ROMAN
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -
A des parfums de vigne et des parfums de bière....
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LA MÉDIATHÈQUE VOYELLES
A côté de l'ancien collège de Rimbaud, la médiathèque Voyelles, du nom du poème qui ouvre ce post, permettra aux plus passionnés d'aller lire quelques pages de poèmes. Ils pourront ainsi se rendre compte du talent de Rimbaud, mais également de son malaise et de sa perception de l'Homme. A ce sujet, on peux citer une lettre qu'il a écrit à son ami Monsieur Izambard, et dans laquelle il dit, à la veille de la bataille de Sedan qui marquera la chute de Napoléon III :
"Vous êtes heureux, vous, de ne plus habiter Charleville ! - Ma ville natale est supérieurement idiote entre les petites villes de province. [...] Parce qu'elle est à côté de Mézières, une ville qu'on ne trouve pas."
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COMME HIRONDELLE
Ne devinez-vous pas pourquoi je meurs d'amour ?
La fleur me dit : salut : l'oiseau me dit bonjour :
Salut ; c'est le printemps ! c'est l'ange de tendresse !
Ne devinez-vous pas pourquoi je bous d'ivresse ?
Ange de ma grand'mère, ange de mon berceau,
Ne devinez-vous pas que je deviens oiseau,
Que ma lyre frissonne et que je bats de l'aile
Comme hirondelle ?...
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LA TOMBE DE RIMBAUD
Rimbaud décède le 10 novembre 1891 à Marseille, des suites d'un cancer qui lui aura valu d'être amputé de la jambe. Son corps est rapatrié à Charleville où il est enterré (le cimetière se trouve avenue Charles Boutet), suite à une messe où seule sa mère et sa sœur sont présentes.
A l'entrée du cimetière, une boite postale permet aux fans d'écrire des lettre à leur poète. De nos jour, ils sont encore nombreux à lui rendre hommage, chacun à leur manière. Ainsi, le gardien du cimetière a déjà du appeler plusieurs fois les forces de l'ordre pour évacuer des fans un peu trop enthousiastes (certains ont même fait un feu de camps devant la tombe avant de chanter des poèmes de Rimbaud).
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LE DORMEUR DU VAL
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
A. Rimbaud
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